Alors que l'hiver se termine en vallée Toy, à l’after ski, j'observe tout autour de moi et je suis pris d'un élan défiant toutes mes valeurs sportives. L'idée de demander l'impossible à Tommy, du club de Lourdes VTT : faire ce foutu tour du 65 par le redoutable parcours de la Pyr'Epic. Stupide me direz-vous. L'édition 2020 sera finalement annulée mais l'idée me turlupine toujours un an plus tard. Je me suis donc efforcé de garder de la condition pour en découdre avec cet écrit :
J'irai courir cette fuck!%# Pyr'Epic.
Pourtant, dans les Pyrénées cette semaine-là, moult occupations vélocipédiques s'offraient à moi. Étant trop focus sur ce défi personnel, c'est le cœur qui me guide vers cette expérience en bon adepte du pyrénéisme à 2 roues. On parle là de raid montagne. Des préparatifs et une liste de matériel obligatoire sont à embarquer dans son sac à dos.
Camelback, pas camelback ? Outils, pas outils? Remontant, pas remontant ? Plus les discussions avancent avec les finishers des éditions précédentes, et plus le sac se remplit. La tension monte d'un cran ! Ils m'inquiètent tous avec leurs anecdotes de faim, de soif, d'ampoules, de casse… Je finis par me dire que c’est sûrement tous des lopettes puisqu'ils sont revenus. Cette réflexion est un gros pari que je regretterai sûrement mais c’est ce qui me booste avant le départ.
On est vendredi, veille de course ou de balade, je n’ai pas encore tranché. Je suis au Bike’npy et je retrouve là tous mes futurs compagnons de cordée. On est privés de nos montures toutes bichonnées pour l’occasion à partir de 15h. On se sent un peu seuls sans notre partenaire du week-end mais on aura l’occasion de se rattraper dès le lendemain. Pour ce qui est de la logistique, aucun problème, Lourdes VTT s’occupe de faire suivre nos bagages. Ils ressemblent plus à des bikeshops empaquetés parce que l’on a vraiment de quoi remonter un vélo complet là- dedans.
Le briefing du soir est très orienté sécu, et c’est appréciable puisque l'on va errer en montagne parfois sans réseau ou dans des zones difficiles d'accès. Le ton du week-end est bien donné lors du talentueux discours et on y parle de convivialité, de pasta party et d’échanges. L’accent est ensuite mis sur le respect du patrimoine, le balisage qui est allégé, sans rubalise, et la préservation des sentiers de montagne. Merci pour ce thème qui n’est pas toujours respecté, à en voir les emballages qui sont laissés au sol pendant le week-end. On peut jouer la course mais la base c’est le respect de notre territoire.
21h, invitation au pub non négociable +1h, il est 22h15 :
Je récapitule : vélo au top, accueil bien mené avec des goodies très sympas, repas et hôtel au poil et logistique bien ficelée… Reste plus que le bonhomme… Suis-je vraiment prêt ??
A en écouter les compatriotes, aucun ne s’est préparé. Bizarre, et je commence à remettre en question le mot lopette.
Comme tout rider propre, petite douche à 4h avant d’embarquer dans le bus puis le téléphérique pour rendre visite à notre cher Pic du Midi. L'ambiance à 2877m est froide, il fait 3°C. Clairement on est dans le pâté, ça pèle mais qu’est ce que c’est beau. Les 260 bikes nous attendent grâce aux quelques semi-remorques et vingtaine de bras pour hisser les bécanes, toutes rangées dans l'ordre des plaques sur l’esplanade. Quelques chèvres nous narguent perchées en balcon sur la falaise du couloir nord alors que l’on finit nos shootings de lever de soleil.
Equipe de bénévoles durant le chargement nocturne des vélos au Pic du Midi.
Vient enfin l’heure de passer par-dessus la talanquère pour se jeter dans l'arène. Cette métaphore n’est pas anodine à la vue des toros de combat hispaniques qui patientent dans ce couloir sombre. J’hésite presque à revêtir mon k-way orange, par peur de l’énervement général. Merci Tommy pour nos plaques 4 et 5. Surtout quand le 2 et le 3 ne se présentent pas au départ…
Me voilà donc juste derrière le dernier gracié en 2018 dans cette Plaza. Impressionnant de vitalité et d’entrain, le forcené finira l’étape 3h39 plus tard sans même craquer au passage du ravito de Riou pourtant tant convoité. Maquina !
Pour comparaison, j'arriverai à Cauterets au bout de 5h47...
Super placement pour profiter de ce run du Pic au lever du soleil. Quel souvenir ! Le haut n’a pas trop d’intérêt puisque, rapidement, on rejoint un chemin de 4x4. Méfiance tout de même sur les premières épingles dévoreuses de côtes. Elles ont encore frappé cette année. On souhaite un bon rétablissement aux victimes !
En revanche, on peut serrer la poignée sur le single du bas, tellement joueur et plein de surprises. Je conseille ce run aux amateurs de single montagnard ! Parfaite entrée en matière pour un enchaînement de plusieurs descentes ensuite pour relier Luz-Saint-Sauveur. La pierre polonaise (balisée en rouge enduro sur le domaine de Barèges) puis la descente de la croix de Saint-Justin de l’autre côté du gave complètent l’entame de la journée. Après ça, c’est plutôt le serrage de dent du jour pour attaquer les 1900m de dénivelé très variés : goudron, single, attention aux poules, chemin, pédalage, portage, poussage, crampe, poussage, crampe, pédalage. Il me semble que c’est dans cet ordre exact que l’on atteint le col de Riou ! Je ne me rappelle pas bien mais, connaissant la descente qui nous attendait derrière on oublie vite cet épisode cauchemardesque.
Le ravito ingurgité, je m’empresse de prendre la roue de Dewey qui m’attend depuis mes crampes. Merci Dude ! On peut alors se lancer comme des ânes dans la sente du col puis dans la forêt de Cauterets ! Toujours aussi fun et rapide. Une régalade ! Puis quel plaisir, soulagement, de déposer quelques cuissards en recherche de grip au détour d’un caillou.
Un pétard (en raid, on parle de patate : ça fait moins peur à entendre et la clientèle présente en est adepte) de plus dans la musette, et nous voilà sur le final plus empierré et technique des granges de pan. Les bras commencent à vraiment piquer et la précision a tendance à diminuer. Tout comme le champ de vision d'ailleurs. Mais la fin est proche, la délivrance, la pasta party et la bière sont juste là.
C’est la dernière ligne droite en faux plat montant qui nous achève et nous fait vraiment réaliser que le day 1 est terminé. L’intérêt était sans doute de se préserver pour pouvoir boucler les deux jours. C'est chose faite et on sait que l’on peut décompresser et chiller toute l’après-midi à Cauterets : toujours fidèle au rendez-vous dans ces cas-là !
On prend ses marques dans la superbe salle et terrasse du casino qui nous accueille pour la journée, repas et petit-déjeuner. En attendant le briefing du deuxième jour hyper rassurant ! J’avais bien fait de ne pas trop m'intéresser à celui-ci avant de me présenter au start on dirait. Je n’en crois pas un mot et vais me coucher à l’heure du couvre-feu. Celui de 21h ne nous aurait pas trop dérangé ce soir-là.
Le jour 2 commence par une bonne nuit de sommeil qui était indispensable. 6h pti'dej, 7h30 en haut du cirque du Lys. Ce matin-là, la vue est plus dégagée que la veille à la même heure. On a un spectacle insaisissable sur le Vignemale qui guette nos départs.
Le profil de ce dimanche sous le soleil est plus dentelé que la veille. Plusieurs descentes plus enduro et en nord sont au programme. Parfait, ça sent le pilotage et la glisse avec les averses des derniers jours. On attaque la descente vers le lac d’Estaing à8h. Le petit gazon légèrement humide est fabuleux et rend les dépassements intéressants.
Le spectacle est de nouveau de mise pour les cyclistes coincés dans les épingles du run du col de Bordères. On est en forêt bien fournie en racine mouillée et le dérapage est de rigueur. Test a l'appui, les orties sont bien plus douillets que le sol. Une fois dans le Val d'Azun, la montée de Gaillagos à la MTR se négocie facilement et à la pédale 800d+. Nous voilà à l'orée de la fameuse MTR et s'en suivra le Mont de Gez. Plutôt physique pour les bras à ce moment là mais du beau VTT, comme dirait le vice-champion du monde M35+ en train d'enflammer Loudenvielle à cette heure-ci.
Nous y voilà, tous réunis au ravito stratégique au pied du monstre. Celui sur qui tous les regards et commentaires portaient depuis le début de la balade : LE PIBESTE. On a l’impression de repérer l'ascension d'un 4000, tant il semble intouchable. On voudrait prendre la fontaine d’Ouzous avec nous tant on sait que l’on va boire de l’eau comme jamais. On se lance dans cette rando pédestre avec nos déambulateurs 29”. On arrête rapidement toute discussion tant le sol est captivant. Tous les casques s'orientent vers le bas et inspectent méthodiquement chaque centimètre du sentier. Mon souvenir le plus marquant est tous ces petits pois noirs de transpiration qui jonchent le sol poussiéreux. Dur de lever la tête mais il le faut car la vue est superbe et le bal des vautours nous remotive à chaque pause, tous les 50m… L'ambiance est particulière mais la magie opère. Les marcheurs nous encouragent et parfois de charmants sourires nous laissent des "bonne balade".
C'est ce jour la que le mot “raid” prend tout son sens. Ou du moins que j'en apprends la définition très en profondeur pendant mes 2h d'ascension.
Maintenant, je peux conclure ce paragraphe ainsi : monter le Pibeste avec ton vélo c’est un peu comme prendre un train avec un pédalo !
Vue depuis la montée du Pibeste.
La descente en vaut pour moi la chandelle. Malgré tout, le plaisir n'est plus trop présent dans les sections les plus techniques et les bras souffrent. On s'efforce de résister afin d'atteindre le dernier défi du jour : la montée du Beout.
Celle-ci s'est avérée très difficile car sur un tracé très direct, raide et plein sud, sans air. On y laisse énormément d'énergie. La nuque chauffe et le rythme paraît se ralentir. La zone ombragée est si loin que l'on se demande si l'on va y arriver. Le mental fera la différence mais le malaise n'était pas si loin. On vide un énième camelback et on se balance dans ce tas d'agglo dérangé. Ca frappe de plus en plus jusqu'à la délivrance et le bip final au pied du gave à Lourdes. Tous les braves soldats arrivés là, hors zone de guerre, sont rétamés au sol ou dans la rivière. Un carnage. La dernière bataille a marqué les troupes.
Pourtant, il faut se requinquer et se remettre une dernière et nouvelle fois en ordre de bataille pour gagner l'ultime combat, dans l'envers du Pic du Jer.
Chose faite 2h plus tard, après diverses insultes gratuites dans les derniers mètres de d+. Heureusement que la bleue du bike Park est plutôt lisse et généreuse pour finir.
18h30, je m'assieds avec une bière, c'est incroyable.
Cette expérience marquante de mon parcours de cycliste m'aura renforcé et m'a beaucoup appris. Sur moi-même d'abord : la tenue à l'effort et au mental. Le corps humain, lorsqu'il est stimulé par la passion, est capable de grandes prouesses. Je n'avais pas repoussé autant celui-ci auparavant.
Puis, dans l'esprit de cohésion et de groupe. Ce parcours permet vraiment, de par les rencontres et les échanges, une entraide et une motivation commune.
Ensuite, une chose à laquelle je ne m'attendais pas sur ce genre de course longue : les effets du chrono. Je ne m'attendais pas à autant d'entrain lié à la performance. Je me questionne encore sur l'apport du chrono. D'un autre côté, un tel parcours en balade sans stimulation n'est pas envisageable. Donc le rythme imposé par la course est pour moi non négligeable dans la réussite. En ayant bien sûr la caisse pour garder ce rythme.
Tous les détails de la course ici.
Un grand merci au club de Lourdes VTT pour ce bel événement. Merci également à leur partenaires hôteliers, bénévoles et stations qui ont participé à la réussite de cette troisième édition. En espérant que ce ne soit pas la dernière ! Au final, 168 pilotes auront bouclé pas moins de 125km, avec 4751m de d+ et 9000 de d-. BRAVO A TOUS !
Superbe ! Joli retour de manivelles 🙂. Bravo ! Le vtt c'est la vie.